Le développement du commerce en ligne, dont l’accélération est avérée depuis la pandémie
de Covid-19, a impacté l’ensemble de la chaîne logistique. Les logisticiens ont donc été
contraints de procéder à de nouveaux choix stratégiques afin de coller aux nouvelles
attentes des clients… en gardant l’agilité comme point cardinal.
Les consommateurs adeptes du e-commerce vivent de plus en plus concentrés en zone
urbaine. Rapprocher les stocks des clients, donc en centre-ville, est devenu un enjeu fort de
la livraison. Nous avons vu dans le numéro précédent d’AMMag, daté de juillet-août 2023,
qu’un des leviers d’optimisation des distributeurs est le positionnement des entrepôts en
zone périurbaine afin de massifier les stocks au plus près des destinataires.
S’adapter aux zones hyperurbaines
En zone hyperurbaine, la livraison du dernier kilomètre nécessite la création d’espaces de
stockage au cœur des villes. L’hyperurbanisation et les nouvelles législations autour du
« zéro artificialisation nette (ZAN) des sols » poussent les acteurs à repenser leur approche
de ce dernier kilomètre. Ainsi, nous observons l’apparition de hubs logistiques mutualisés
en centre-ville. Les surfaces et volumes existants doivent être réutilisés pour stocker et
préparer les commandes (à livrer rapidement). Par exemple, les parkings en sous-sol sont
aujourd’hui recherchés pour réaliser ces opérations. Une autre solution pour attaquer la
livraison du dernier kilomètre en centre-ville dense consiste à utiliser des modes de
transport différents. En effet, de plus en plus d’acteurs cherchent, par exemple, à
emprunter la voie fluviale. L’emploi multimodal (utilisation de plusieurs moyens de
transport pour une même livraison) permet de s’adapter aux défis nouveaux et de
rapprocher les flux du cœur des villes. En témoigne l’apparition des péniches-entrepôts sur
la Seine, elles-mêmes livrées par camions, visant à faciliter les livraisons en plein centre.
Rares sont les bouchons sur la Seine… jusqu’à aujourd’hui.
Livrer à domicile
Le dernier maillon de la chaîne d’approvisionnement en zone hyperdense (entre le client et
l’espace de préparation des livraisons) concentre différentes problématiques liées à la
mobilité. Nous sommes désormais tous habitués à voir circuler des vélos-cargos dans nos
villes pour le transport des colis, à l’image de ceux de La Poste dont la flotte a été fabriquée
par l’entreprise française VUF Bikes. De même, dans les communes de taille moyenne, les
livraisons s’effectuent au moyen de véhicules utilitaires légers électriques (« VULe »). Ces
modes de transport ressuscités et modernisés répondent aux enjeux de décarbonation des
centres-villes et aux réglementations imposées par l’État, telles les « zones à faibles
émissions » (ZFE). Ajoutons à cela la réduction de la pollution sonore ou la priorité donnée
de plus en plus souvent aux piétons… au détriment de l’automobile.
Ces technologies, leur coût au premier chef, ont forcément un impact sur les choix
d’investissement des entreprises de livraison. Faut-il opter pour un VULe fonctionnant à
l’hydrogène (100 000 €), à l’énergie électrique (55 000 €) ou bien au biogaz (20 000 €) ? Ma
ville dispose-t-elle d’une infrastructure de bornes de recharge ? Ces dernières sont-elles
accessibles ? Sans parler des évolutions futures de la réglementation relative à la
décarbonation des transports. N’oublions pas non plus que de nouveaux moyens de
livraison naîtront certainement dans les années à venir, comme l’utilisation de drones.
Enfin, il est important de prendre en compte l’utilité sociale du livreur du dernier kilomètre,
lequel pourrait côtoyer l’historique facteur distribuant les lettres à vélo. Le passé peut inspirer positivement le présent et l’avenir.
Expérience client renouvelée
La multitude des moyens de livraison du dernier kilomètre crée une expérience client
renouvelée. De manière moins visible, mais avec un impact notable, notons le
décongestionnement des centres-villes. Les nouvelles mobilités rendent (ou rendront) la vie
des habitants plus agréable : moins de pollution, moins de bruit, plus de pistes cyclables et
d’espaces piétonniers sécurisés. En somme, une réduction globale des éléments à l’origine
du stress des habitants est prévisible. L’impact le plus direct touche au confort du client
avec la réception du colis à un endroit et à un moment convenus à l’avance. En centre-ville,
il est courant désormais de recevoir un SMS du livreur dans l’heure ou la demi-journée
précédant la livraison. En fonction de la disponibilité du client, le transporteur aura la
capacité d’adapter son parcours de livraison. Cette agilité est permise par l’utilisation du
vélo et la digitalisation des outils d’aide à la livraison.
La possibilité de choisir entre différents niveaux de service, avec des livraisons plus ou moins
rapides, plus ou moins précises, plus ou moins écologiques, à un tarif proportionné participe
à la fidélisation de la clientèle. Cette dernière prend, en quelque sorte, les commandes.
Les entreprises sondées dans le « Baromètre 2023 du dernier kilomètre (1) » ciblent en
priorité le choix d’un créneau de livraison et la communication de l’information en temps
réel à différentes étapes. Ce n’est pas un hasard, car cela contribue à l’amélioration de
l’expérience client. L’utilisation des données et des technologies, comme la « blockchain »,
permettra de répondre aux enjeux de transparence de la chaîne d’approvisionnement et de
traçabilité que réclame une clientèle de plus en plus connectée. Autant de sujets qui
impliquent des transformations en profondeur des outils et des processus des acteurs de la
livraison. Comme mentionné précédemment, une relation privilégiée peut s’instaurer entre
le livreur et le client. En parallèle, n’oublions pas d’assurer aux transporteurs de bonnes
conditions de travail (démarche QVT [qualité de vie au travail]).
Réflexion sur la ville de demain
À l’évidence, la problématique de la livraison du dernier kilomètre est en pleine
transformation. L’approche des zones de livraison, les moyens d’approvisionnement, le
respect des réglementations (en cours et à venir) sont autant de sujets sur lesquels la
réflexion est en train d’évoluer. Pour autant, certains aspects de la livraison du dernier
kilomètre restent encore à creuser. La distribution ne s’arrête pas à la réussite de la livraison
à domicile : le retour des produits, qui représente une part non négligeable des coûts
logistiques et des émissions de CO 2 , doit lui aussi être pris en compte. De fait, les
distributeurs travaillent aux schémas d’amélioration des retours, arbitrant entre satisfaction
client et diminution des impacts environnementaux. Ce sujet impose des innovations dans
leur gestion bien sûr, mais, plus important, des changements culturels aussi bien chez les
professionnels de la distribution qu’auprès des clients. Autre enjeu majeur : la diminution
des emballages. Ceux-ci pèsent jusqu’à 20 % de l’impact environnemental de la distribution.
Les acteurs cherchent à optimiser leur utilisation, voire à les supprimer. Certaines
innovations en cours d’apparition favorisent leur réutilisation.
Voilà les principaux éléments en mutation, pour lesquels des réponses pérennes sont
attendues. Beaucoup reste à construire.
Guillaume Asconchilo (Me. 210) et Suliac Lefeuvre (Me. 218)
Étude réalisée par Woop, en coopération avec Infopro Digital, auprès d’un panel de 100
professionnels du Retail français.
Les chiffres
Ordre de grandeur des coûts des véhicules légers en fonction de la technologie
Hydrogène : 100 000 €
Énergie électrique : 55 000 €
Biogaz : 20 000 €
75
C’est le nombre de véhicules utilitaires légers que remplacerait une barge à Strasbourg !
(Source : « Dernier kilomètre : carnet de tendances 2023 », Woop)
Retour du triporteur
VUF Bikes conçoit et fabrique en France ses triporteurs à assistance électrique. Ces véhicules
autorisent le transport de marchandises jusqu’à 150 kg ou 1 400 L.
– EXPERTISE – Logistique
AMM446 – EXPERTISE – Logistique – SL+GA+DK – OKSR